Beaucoup de Français créent une LLC américaine en pensant échapper aux impôts français ou profiter d’un « paradis fiscal légal ». La réalité est plus nuancée. Une LLC bien structurée peut offrir une protection du patrimoine, une fiscalité lisible et une vraie crédibilité vis-à -vis de partenaires américains. Une LLC mal pensée peut, à l’inverse, déclencher double imposition, pénalités de l’IRS et redressement en France. Le but n’est pas de faire peur, mais de poser les choses clairement, comme on le ferait entre entrepreneurs sérieux qui veulent que leur structure tienne dans la durée.
Comprendre la fiscalité “pass-through”, le rôle de l’IRS, les formulaires, la convention fiscale France–USA, et la façon dont la France traite une LLC, c’est ce qui permet de décider : « est-ce que cette structure est adaptée à mon business ? ». Un créateur de SaaS basé à Lyon n’a pas les mêmes enjeux qu’un e-commerçant avec stock aux États-Unis. Pourtant, tous deux entendent parler de Wyoming, Delaware, “single-member LLC” et EIN, souvent sans voir les implications fiscales derrière les mots.
Ce guide se concentre sur le concret : comment sont imposés les revenus de la LLC aux États-Unis, comment ils remontent en France, quelles obligations déclaratives respecter, comment éviter la double imposition, et quelles stratégies pragmatiques permettent de réduire la facture fiscale sans sortir des clous. Tout est pensé pour un lecteur francophone qui vit fiscalement en France, mais qui veut exploiter le marché américain de façon propre, durable et alignée avec son modèle économique.
En bref :
- Une LLC américaine n’est pas un bouclier fiscal : par défaut, ses revenus « traversent » vers les associés, imposés personnellement.
- Aux États-Unis, la LLC peut être traitée comme entreprise individuelle, partnership ou corporation, avec des impacts forts sur les impôts et la paperasse.
- En France, une LLC détenue par un résident fiscal français est vue comme transparente : les bénéfices remontent au barème de l’IR + prélèvements sociaux.
- Les non-résidents sont imposés aux USA uniquement si leurs revenus sont considérés comme effectivement liés à une activité américaine (notion d’establishment stable / ETBUS).
- Délais IRS : 15 mars pour les LLC à plusieurs membres, 15 avril pour les LLC à un seul membre, avec possible extension de 6 mois.
- Convention France–USA : outil clé pour éviter la double imposition si la structure est correctement montée et documentée.
- Réduction de la charge fiscale : choix de la classification fiscale, optimisation des déductions, bonne localisation de l’activité, compta solide.
Impôts et taxes d’une LLC américaine : bases à connaître pour un résident fiscal français
Avant de parler de formulaires, de dates limites et de calculs d’impôt, il faut comprendre ce qu’est réellement une LLC américaine aux yeux du fisc. Beaucoup de discours en ligne vendent la LLC comme une sorte de société magique, alors qu’il s’agit simplement d’une structure hybride : protection type société de capitaux, mais fiscalité souvent calée sur les personnes physiques.
Un bon exemple est celui de Marc, consultant web basé à Toulouse, qui a ouvert une LLC dans le Wyoming pour facturer ses clients US via Stripe. Sur le papier, tout paraît simple : une entité propre, un compte bancaire en dollars, une image « US ». Mais sans comprendre la logique fiscale, Marc se retrouve vite avec une question lourde : où et comment ses profits sont-ils imposés ?
Comprendre la transparence fiscale “pass-through” d’une LLC américaine
Dans la plupart des cas, une LLC est considérée comme une entité transparente (“pass-through entity”). Cela signifie que :
- La LLC elle-même ne paye pas d’impôt sur les bénéfices au niveau fédéral (sauf si option corporation).
- Le résultat (profit ou perte) est ventilé entre les membres, en fonction de leurs droits économiques.
- Chaque membre déclare sa part de ce résultat dans sa propre déclaration de revenus.
La transparence fiscale permet d’éviter la double imposition classique des C-Corps (imposition au niveau société, puis sur les dividendes). Mais elle transfère aussi la responsabilité fiscale vers les personnes physiques, ce qui implique :
- une bonne compréhension de la distinction revenus américains / revenus français,
- une maîtrise de la convention fiscale France–USA,
- et une discipline comptable pour suivre précisément la part de chaque membre.
Il ne suffit pas d’inscrire « 50/50 » dans un pacte d’associés : l’administration regardera la réalité économique, surtout si les distributions ne correspondent pas aux parts de capital.
Statut fiscal par défaut d’une LLC selon le nombre de membres
Le fisc américain applique une logique simple au départ :
- Single-member LLC (un seul associé) : entité ignorée fiscalement (“disregarded entity”). Traité comme une entreprise individuelle.
- Multi-member LLC (plusieurs associés) : traité comme un partnership par défaut.
Pour un Français résident en France, les conséquences sont fortes :
- Les revenus de la LLC sont potentiellement imposables aux États-Unis et en France.
- La façon dont l’activité est organisée (présence ou non d’un établissement stable aux USA) détermine ce qui est vraiment imposable aux États-Unis.
| Configuration de la LLC | Traitement fiscal US par défaut | Impact typique pour un Français |
|---|---|---|
| LLC à un seul membre | Entreprise individuelle (disregarded entity) | Revenus directement rattachés à la personne, déclarés aux USA si “effectively connected”, et en France au barème de l’IR |
| LLC à plusieurs membres | Partnership (entité transparente) | Répartition des profits entre associés, formulaires US plus complexes, déclaration en France pour chaque associé résident français |
| LLC ayant opté pour C-Corp | Société imposée à l’impôt fédéral sur les sociétés | Potentielle double imposition, besoin d’analyse fine avec un CPA et un fiscaliste français |
La première étape pour tout Français qui détient une LLC consiste donc à clarifier : quel est le statut fiscal de la LLC aujourd’hui, et qui déclare quoi, où et quand. Sans cette base, tout le reste n’est que bricolage.

Options de classification fiscale d’une LLC : entreprise individuelle, partnership ou corporation
Une fois les bases posées, vient la question stratégique : faut-il laisser la LLC au régime par défaut ou opter pour l’imposition en corporation ? Cette décision pèse directement sur la charge fiscale, la complexité administrative et la crédibilité vis-à -vis d’investisseurs ou de partenaires américains. C’est souvent ici que les entrepreneurs copient un schéma vu sur un forum, sans le confronter à leur propre modèle.
LLC imposée comme entreprise individuelle : simplicité mais attention au barème
Pour une LLC à un seul membre, ne rien faire signifie être traité comme une entreprise individuelle aux USA. Concrètement :
- Les revenus de la LLC sont ceux du propriétaire, pour la partie considérée comme américaine.
- Ils sont reportés sur une déclaration personnelle américaine (si imposable aux États-Unis), puis sur la déclaration française.
- Il n’y a pas d’impôt sur les sociétés au niveau de la LLC.
Ce schéma est souvent pertinent pour :
- un freelance ou consultant qui facture quelques clients américains sans équipe ni bureau sur place,
- un infopreneur / créateur de contenu qui encaisse des revenus US via des plateformes,
- un e-commerçant qui vend en dropshipping sans stock aux USA.
Mais il faut rester lucide : en France, ces revenus remontent à l’impôt sur le revenu, au barème progressif, plus prélèvements sociaux. Pour un niveau de bénéfice élevé, la note française peut rapidement dépasser le taux fixe de l’impôt sur les sociétés.
LLC imposée comme partnership : flexibilité entre associés, complexité accrue
Pour une LLC à plusieurs membres, le régime par défaut est celui du partnership. L’administration américaine exige alors :
- une déclaration spécifique pour la LLC (déclaration d’information),
- un relevé détaillé (K-1) pour chaque associé, avec sa part de profit ou de perte,
- une cohérence stricte entre l’operating agreement et la réalité économique.
Ce choix permet :
- une grande souplesse dans la répartition des profits et pertes, indépendamment des pourcentages de capital,
- une bonne visibilité des résultats par associé, pratique pour des projets à plusieurs partenaires,
- la possibilité d’impliquer des associés opérationnels et des investisseurs de façon structurée.
Mais il implique :
- des obligations déclaratives plus lourdes (et donc des honoraires de CPA plus élevés),
- un risque de mauvaises surprises si tous les associés ne comprennent pas leur statut de contribuable aux USA et en France,
- une vigilance renforcée sur la documentation interne, notamment l’operating agreement.
- La LLC devient un contribuable à part entière, imposé à l’impôt fédéral sur les sociétés.
- Les bénéfices distribués ensuite aux actionnaires (dividendes) sont à nouveau imposés au niveau des personnes.
- La société doit tenir une comptabilité structurée, et généralement travailler en continu avec un CPA.
- le taux d’impôt sur les sociétés US peut être plus bas que l’impôt sur le revenu français marginal,
- la société prévoit une forte croissance et des levées de fonds, ce qui rapproche de la logique “C-Corp classique”,
- l’activité est réellement implantée aux États-Unis (locaux, salariés), ce qui ancre la valeur dans cette juridiction.
- ouvrir un compte bancaire professionnel US,
- déclarer les revenus de la LLC à l’IRS,
- répondre aux obligations de retenues à la source éventuelles.
- 15 mars : date limite pour la plupart des LLC à plusieurs membres (traitées comme partnerships).
- 15 avril : date limite pour les single-member LLC (traitées comme entreprises individuelles).
- Extension de 6 mois possible si la demande est déposée dans les temps.
- Certains États n’ont pas d’impôt sur le revenu des sociétés, mais appliquent des taxes minimales.
- D’autres combinent impôt sur les revenus, taxes locales et frais administratifs réguliers.
- Le non-paiement peut mener Ă la dissolution administrative de la LLC.
- les frais de registered agent,
- les taxes ou frais annuels de l’État d’enregistrement,
- les honoraires de comptabilité et de conseil pour rester en conformité.
- la LLC ne constitue pas une « personne morale opaque » comparable à une SA ou une SAS française,
- les profits de la LLC sont imposables directement entre les mains des associés,
- ces profits entrent dans la catégorie de revenus correspondant à l’activité (BIC, BNC, etc.).
- imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu,
- paiement des prélèvements sociaux (essentiellement CSG),
- obligation de déclarer les comptes bancaires étrangers et participations dans des entités non françaises.
- déclarer les bénéfices de la LLC sur le formulaire 2042 C PRO dans la bonne catégorie (BIC/BNC),
- mentionner la détention de la participation dans la LLC sur les formulaires dédiés aux comptes à l’étranger,
- documenter clairement la méthode de calcul de sa quote-part de bénéfice.
- de faire reconnaître en France l’impôt déjà payé aux États-Unis, via un crédit d’impôt,
- d’exonérer certaines catégories de revenus aux États-Unis si l’activité est clairement localisée en France,
- de clarifier la notion d’établissement stable (permanent establishment).
- l’activité n’est pas effectivement liée à un établissement américain,
- les bénéfices sont principalement imposables en France,
- la LLC est un outil opérationnel, pas un véhicule de délocalisation fiscale.
- Activité digitale depuis la France, sans présence US : souvent logique de rester en transparence (single-member / partnership).
- Projet de levée de fonds, salariés US, locaux : l’option C-Corp peut devenir cohérente.
- Profit élevé logé dans la société, distributions faibles : la double imposition peut être atténuée par une vraie stratégie long terme.
- déduire ses frais de fonctionnement (logiciels, publicité, frais juridiques, comptables),
- imputer des amortissements sur certains équipements,
- déduire les salaires versés (notamment en cas d’option C-Corp).
- il faut une comptabilité carrée, même si ce n’est « que » une single-member LLC,
- chaque dépense doit être clairement justifiée par l’activité,
- les flux entre compte personnel et pro doivent être séparés.
- clarifier dès le début où l’activité est réellement exercée (France / USA),
- documenter la présence (ou l’absence) d’établissement stable aux États-Unis,
- conserver tous les justificatifs d’impôts payés pour activer les crédits prévus par la convention.


